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  • Photo du rédacteurFabien

It's Lonely at the Centre of the Earth

Dernière mise à jour : 20 mars




  • Résumé :

Dans une exploration artistique autobiographique, Zoe Thorogood dépeint six mois de son quotidien qui sombre au fil des jours dans une profonde mélancolie. Elle offre un regard intime et métanarratif sur son existence, celle d'une artiste dont la création est la raison de vivre, révélant sa lutte pour la santé mentale - à travers les hauts et les bas de l'anxiété, de la dépression et du syndrome de l'imposteur - alors qu'elle se forge une carrière prometteuse dans l’art séquentiel.


  • Critique :

Le public français a pu découvrir Zoe Thorogood en 2022 avec le très bon Dans les Yeux de Billie Scott (Bubble Éditions), un livre qui nous parlait d'une jeune femme dont on pouvait se demander via son parcours et ses questionnements si elle pouvait être un reflet de celle à la plume et aux crayons.


Après un passage réussi aux dessins sur Rain (HiComics), en ce début d'année 2024, l'autrice nous revient avec une proposition audacieuse de biographie qui nous dit entre autres que non, Billie n'est pas Zoe…enfin pas vraiment. Mais avec une vingtaine d'années et seulement une œuvre (Rain ayant a été dessiné en parallèle de l'écriture de It's Lonely at the Centre of the Earth), on peut se poser la question – peut-être pas tout à fait légitime – de ce qu'elle aura à nous raconter. Attention divulgâchage : beaucoup de choses…et brillamment !


Ce qu'il faut savoir et qu'elle nous dit de but en blanc dès la deuxième page : l'artiste souffre de dépression, et avec cette biographie elle choisi de se livrer totalement dans une démarche qui ressemble à une thérapie et qu'elle même considère sans s'en cacher comme très égocentrée (qui a lu ne serait-ce que le titre s'y sera attendu).

Elle jette ses pensées les plus noires crument sur la page sans y ajouter de filtre autre que graphique et apparait totalement à nu face au lecteur qui l'accompagnera dans divers reconstitutions de moments de vies ou scènes internes où elle dialogue avec elle-même.

La structure narrative force le respect tant l'enchainement entre le passé, le présent, et ce qui trotte dans sa tête est fluide avec de nombreux rappels sur l'évolution de sa situation et de ses réflexions, là où la lecture aurait pu très vite devenir confuse.

On découvre une personne avec beaucoup de doutes et de questionnements sur son existence, s'enfermant en elle-même et cherchant désespérément à trouver une porte vers un extérieur plus radieux. Mais elle n'est pas tout à fait seule puisqu'accompagnée d'autres manifestations de sa personnalité mais aussi et surtout d'Happy : sorte d'ombre au visage absurde et geôlier de Zoe depuis les tréfonds de son esprit, matérialisation du mal qui la ronge.

Le combat quotidien mené par l'autrice est absolument touchant, mais pour autant aucunement dénué d'humour : c'est un récit qui saura jouer sur votre corde sensible, qui parle sans détour de détresse émotionnelle et d'idées suicidaires, mais ce traitement très frontal est couplé à une grande capacité d'auto-dérision qui permet d'insérer beaucoup d'humour. Et si la personne qui nous raconte son histoire en rigole, pourquoi devrions-nous en pleurer ? On se surprendra donc à passer d'un état mélancolique à pouffer lorsqu'elle se met à nous détailler un passage ridiculement honteux de sa vie.

Une œuvre qui sera surtout à expérimenter et pas tellement à analyser dans son fond tant celui-ci est propre à Zoe : comme elle le rappelle, c'est sa dépression qu'elle nous raconte. Et si le lecteur pourra retrouver de lui-même à des moments, le fil réflexif est celui de l'autoanalyse de l'autrice qui fera avancer au fur et à mesure ses opinions, sa manière de voir le monde qui l'entoure et sa relation aux autres. Elle s'exécute dans cette démarche avec une réelle maturité et même – malgré les airs un peu sale gosse qui se dégagent souvent du livre – avec une sagesse bien présente et hautement inspirante.


Le sous-titre visible en couverture – au joli jeu de mot – « Un roman autobio-graphique » l'annonce : un accent particulier a été mis sur la recherche visuelle. Il ne s'agit pas pour l'artiste de parler d'elle-même uniquement, mais aussi de faire vivre son imagination et son Art, peut-être même de continuer à vivre grâce et par lui.

Et le résultat est une mise en image d'une créativité folle à chaque page. À chaque case.

Vous voyez ces œuvres où les personnages se font entrainer dans la psyché d'un autre via ses rêves ou ses cauchemars ? C'est un peu ça que j'ai ressenti avec It's Lonely at the Centre of the Earth ! Zoe a volé la clé de tête dans les pages de Locke & Key, s'est ouvert le crâne et m'a attrapé pour m'y plonger. C'est un micromonde étrange, à l'apparence fluctuante et où l'on passe sans transition ni heurt d'un cadre à un autre.

L'expérimentation est totale, et encore une fois on tourne les pages et on suit le récit sans effort, comme si l'artiste n'en avait même pas mis elle-même, et cette maîtrise technique et narrative est certainement l'aspect le plus bluffant du comics.

La mise en page est sans cesse différente, sans cesse renouvelée pour repousser les limites du medium. Que ce soit des collages, des mélanges de styles, des retranscriptions types SMS, des sketchs, des croquis annotés, des changements sur la colorisation, de l'anthropomorphisme, de "simples" gaufriers pas si scolaires…on trouve de tout sans jamais devoir s'attendre à ce que sera la page suivante : une découverte permanente extrêmement stimulante.

Zoe Thorogood incorpore aussi des morceaux de ses autres comics, va même jusqu'à plonger son avatar dans ses précédents récits avec ses personnages comme si elle faisait corps avec son Art, pour mieux réfléchir à son rapport intime presque symbiotique avec celui-ci. Et elle intègre en outre des pages de la BD même que l'on tient entre les mains, avec des scènes se montrant en train de la dessiner, ou bien des notes extraites de son processus créatif : c'est donc en même temps quasiment son propre making-of que l'œuvre propose.

En bref, je suis ressorti admiratif par ce déluge d'inventivité et la cohérence d'un ensemble qui avait tout pour ne ressembler à rien, mais qui au final ne ressemble juste à rien d'autre.


  • Conclusion :

Comme dans des chroniques de guerre entre le bien et le mal-être, Zoe Thorogood nous emporte dans les sombres tranchées de son âme. Et si on pourrait craindre un récit larmoyant il n'en est rien : elle nous expose presque fièrement ses cicatrices des plus profondes aux plus ridiculement acquises, souvent avec une pincée d'autodérision (quand elle ne verse pas toute la salière) et toujours avec un recul d'une grande maturité. Le tout superbement illustré pour une expérience visuelle totale.

De la part d'une forme de vie pleinement humanoïde (je crois ?) : Bravo, et Merci !


Fabien.

 

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